Clause de non-concurrence / clause de non-réinstallation et professions libérales: le contrat d’association

 

 

Validité des clauses de non concurrence / de non réinstallation dans les contrats d’association

Dans les contrats d’association entre médecins, infirmier libéral, kiné libéral, chirurgiens-dentistes, ostéopathes, podologues…. une clause de non réinstallation peut être valablement consentie dans la mesure où elle répond à un intérêt légitime et dès lors qu’elle reste proportionnée au but recherché.

Les intérêts légitimes à protéger sont:

– Le respect du libre exercice d’une activité professionnelle;

– Le droit pour chaque patient de choisir librement son praticien; 

– Le droit pour le ou les associés restant(s) de se prémunir contre les risques de captation de patientèle. 

La Cour de cassation a rappelé cette exigence en sanctionnant sur le fondement de l’article 1131 ancien du Code civil soit sur l’absence de cause, la Cour d’appel qui n’a pas recherché si une clause de non-concurrence inscrite au sein d’un contrat d’association provisoire entre médecins, interdisant la réinstallation du professionnel de santé pendant deux ans et dans un rayon de 100km, « était proportionnée aux intérêts légitimes à protéger, compte tenu de la durée du contrat et du lieu d’exercice de la profession». (Civ. 1ère, 11 mai 1999, n° 97-14.493). 

En outre et eu égard à la condition de proportionnalité, la clause de non-concurrence doit être limitée dans le temps et dans l’espace. Cette condition s’apprécie en tenant compte des spécificités de la zone géographique professionnelle visée.On retrouve là les conditions posées à la validité ds clauses de non concurrence dans les contrats de collaboration (voir « Les clauses de non-concurrence dans les contrats de collaboration libérale des professionnels de santé »,12/10/2018 (https://consultation.avocat.fr/blog/carole-younes/article-25582-les-clauses-de-non-concurrence-dans-les-contrats-de-collaboration-liberale-des-professionnels-de-sante.html). 

 

La Cour d’Appel de Colmar, dans sa décision du 27 janvier 2020 (Cour d’appel de Colmar, ch.civile 01 sect.A – 27 janvier 2020, n°39/20) confirme la décision des juges de première instance et considère comme disproportionnée une clause de non-réinstallation limitée à un rayon de 5km. 

 

L’appréciation de la licéité de la clause dépend de l’existence d’une patientèle propre

Les juges rappellent tout d’abord le droit pour le professionnel qui rompt l’association de conserver l’exploitation de sa patientèle propre, acquise et constituée depuis son installation. 

En l’espèce, les deux parties ont conclu un contrat d’association sans mise en commun des honoraires. L’objet du contrat visait donc une mise en commun des moyens nécessaires à l’exercice de la profession. L’article 3 du contrat d’association prévoyait que chaque médecin conservait sa propre patientèle. Par ailleurs, le professionnel soumis à la clause de non concurrence a payé un droit de présentation de la patientèle à un tiers. Il n’y a donc aucun doute sur l’origine de sa patientèle. La Cour d’appel souligne que le choix de leur médecin par les patients avait donc été déjà opéré alors même que les médecins exerçaient au sein du même cabinet. La Cour relève donc l’absence d’une éventuelle concurrence illégitime du médecin qui quitte le cabinet. 

Le caractère proportionné de la limitation de la clause dans l’espace dépend des circonstances 

Ensuite, la limitation dans l’espace de la clause n’est pas appréciée de façon absolue par la Cour. Cette dernière a pris en compte la taille de la ville où se situe le cabinet. En l’espèce, la superficie de la commune est de 25 km, de sorte que la clause bien que limitée à 5 kilomètres aurait pour effet d’éloigner le médecin de sa patientèle et de rendre impossible pour le médecin d’exercer son activité au sein de la ville où sont domiciliés ses patients ce qui porte ainsi atteinte au libre choix du médecin par le patient. En outre, les juges ont pris également en compte la nature de la patientèle. Cette dernière était composée d’une part importante de patients âgés, pour lesquels la proximité géographique est déterminante. 

Dans ces conditions, les juges ont estimé que la clause ferait peser un risque de perte de la majeure partie de la patientèle acquise et développée par le médecin depuis son installation et a rejeté la demande visant à le contraindre à respecter la clause de non réinstallation. 

Dans un arrêt rendu par la Cour d’appel de Douai (- ch. 01 sect. 01 – 8 décembre 2016 – n° 656/2016), concernant une clause de non réinstallation insérée dans un contrat d’exercice en commun entre kinésithérapeutes, la Cour d’appel a considéré que le droit pour chaque patient de choisir librement son praticien était entravé à l’évidence par un rétablissement à plus de 30 km de distance. 

Elle a également souligné que l’existence de cession de droits de présentation de clientèle aux nouveaux associés avaient eu pour effet de créer un lien entre ces associés et leur patientèle de sorte que la clause qui avait pour effet de rompre ce lien est illégitime et disproportionnée. 

 

Le principe du libre choix par le patient de son praticien

Si les tribunaux rappellent la licéité des clauses de non réinstallation sur le fondement du principe de la liberté contractuelle (« Les conventions tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites (nouvel article 1103 du code civil anciennement article 1134 cciv)  et sur l’intérêt légitime des associés restant de se prémunir contre une concurrence déloyale, ils vérifient que cette clause ne porte pas atteinte au principe du libre choix par le patient de son praticien et l’invalident dans le cas contraire. 

Si vous rencontrez des difficultés dans l’exécution d’une clause de non concurrence insérée dans votre contrat d’association ou d’exercice en commun, ou lors d’une cession de patientèle ou de parts sociales (société d’exercice libéral, société civile de moyens…), ou si vous considérez que la clause de non concurrence est abusive, contactez le cabinet YAvocats , spécialisé en droit des professionnels de santé.

Me Carole A. YOUNES 

Avocat à la Cour

Anais-alya BITTAR

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